
Institut de l'Enfant... le CIEN à Nancy
Parents exaspérés - enfants terribles. Qui appelle l'autre ?
Le laboratoire du Cien, pratique l'échange entre ses membres par une conversation inter-disciplinaires entre eux, qui permet à des points de vue différents de se dire sur les situations pratiques et cliniques rencontrées. Les discours changent, ils ne s'équivalent pas, à chaque époque, ils essayent de décrire, normer, encadrer, ce qui échappe à leur prise. Chacun lira les situations clinique, en précisant les concepts et les références utilisées. Nous serons cette année, après le confinement, encore plus attentifs à lire comment « ça se parle » entre enfant et parent, entre enfant et psychologue, psychanalyste, éducateur ou enseignant ou infirmier... Comment grandissent les enfants du XXIe siècle. avec quelles conséquences sur ceux qui les éduquent ?
Cette formule percutante extraite de la logique de notre temps, par J.-A. Miller et D. Roy témoigne que des éducateurs, des enseignants s'aperçoivent du désarroi de certaines familles, que des psychologues, des infirmiers, des psychanalystes les accueillent dans l'urgence, pour sortir d'impasses diverses. Cette année, nous développerons le trait d'union et de séparation entre les deux parties de cette formule, pour préparer la 7e journée de l'Institut Psychanalytique de l'Enfant, qui aura lieu en mars 2023.

Françoise Labridy.
Pour tout renseignements : F. LABRIDY 03 83 28 34 79 - françoise.labridy@wanadoo.fr
Un mouvement inachevé
La sexuation touche au corps vivant de l'enfant par le biais du langage , en même temps que surgit le sujet qui s'en fera responsable.
Vivre la sexuation, un mouvement inachevé
Laissons parler les enfants. Ils nous en apprendront bien plus que nous ne pourrions leur en dire sur la chose sexuelle, qui creuse en chaque petit d'homme, une faille et une énigme sur ce qu'est un corps vivant. Ce corps vivant qui, dans la surprise, éprouve ce qui se jaillit de lui, sans savoir ce qu'il en est. Ce qui se passe dans ce corps, ces secousses, ces saccades viennent percuter le corps parlant, Lacan a trouvé une formule pour le nommer : « un corps, ça se jouit ». C'est dans l'enfance que ça fait ébranlement ouvrant à des sensations « exquises » et douloureuses comme à des questionnements divers et multiples. Laisser parler dans l'enfant là où il est sujet en devenir, mais pas sans satisfaction et - sans qu'aucune autorité n'y fasse obstacle - fera qu'il se confrontera à un impossible à dire ; alors tentera de se nouer ce qu'il parle comme langue avec une chair en turbulence. C'est dans cet écart avec toute langue commune qu'il choisira et polira les mots de sa propre singularité de vivre. Ainsi, cet enfant si discret qui, le jour de la rentrée où se faisait la minute de silence concernant Samuel Paty, demanda à la psychologue qui le recevait si elle regardait les matchs de foot ? Ne questionnait-il pas ainsi en creux et dans le même temps, les modes de jouir des deux partenaires de la rencontre, confrontés à un monde devenu immonde ? Ce regard en s'extrayant fait sauter nos yeux de l'innommable.
Garçons et filles, filles et garçons, ont un corps qu'ils éprouvent à la fois à leurs dépens, comme à leur plus grande joie et puissance : quelque chose en eux exulte et les pousse à ceci ou cela, et dont ils ne sont pas les maîtres. Ça ex-siste pour eux d'abord, sans limites. Un couple arrive sur la pelouse de promenade. Le père a un chien en laisse, la mère porte la parka d'un enfant de 3-4 ans. Celui-ci, étourdi d'excitation, de cris et de rires, ne cesse pas de shooter dans le ballon mais en visant le chien. Il n'arrive pas à s'arrêter, il continue. Le père semble imperturbable, ne lâchant pas le chien, ni n'attrapant le ballon pour détourner l'enfant de son point d'excitation. La mère, d'une voix embarrassée : « Arrête, tu vas lui faire mal, arrête, tu es méchant. » L'enfant alors grimpe sur un muret et veut sauter pour descendre. Comment accueillir ce qui s'excite dans le corps des enfants, dès qu'ils explorent le monde qu'ils ont à habiter pour grandir ?
Comment enseignants, parents, psychologues... autres adultes, accompagnent-ils les enfants pour transformer, dériver, déplacer, border le « ne cesse pas des pulsions » par des actes et des paroles singulières qui en orienteront la visée et les perspectives ? Comment, dans chaque situation de vie, interviendra le pouvoir de nomination de la langue, pour faire frontière entre l'infini potentiel des pulsions et le fini d'une limite qui dira, ceci oui, et cela non, les filles c'est ceci, les garçons c'est cela, en introduisant le binaire de la langue qui ne peut que continuer à polariser les discours, puisqu'il en est ainsi de la structure signifiante ?
Françoise Labridy, septembre 2020